A quoi ça ressemble le papa d’un enfant mort ?
Un jour, pas si longtemps avant que nous apprenions le cancer d’Emilie, et de ce fait pas si longtemps avant qu’elle ne nous quitte pour je ne sais où, je m’interrogeais, en voiture, à la faveur d’une halte à un feu rouge, à savoir si il pouvait y avoir pire que d’être le parent d’un enfant mort. A ce jour, sans doute annihilé par la tristesse, je n’ai toujours pas ma réponse à cette interrogation. Par contre, je sais désormais à quoi ressemble le papa d’un enfant mort.
Avec amusement, puisqu’il faut bien dédramatiser le sujet quand il s’y prête, et parce que c’est bien un des traits qu’Emilie et moi avions de semblable, j’aimerais dire (écrire) que le papa d’un enfant mort est un beau mec, brun, aux yeux clairs, marié à la plus merveilleuse et plus belle femme du monde (çà c’est vrai) et avec trois autres enfants d’amour adorables (ça c’est vrai aussi). Mais pour faire preuve d’un peu de sérieux, et pour répondre au sujet du jour, la réponse est moins “sympathique”. Le papa d’un enfant mort est lui aussi pas loin d’être mort. Même si la vie continue, tout s’est arrêté, un jour d’octobre 2018.
Signez la pétition : “Un mot pour désigner le parent d’un enfant mort”
Actuellement, par exemple, je n’ai de cesse d’en vouloir aux deux médecins oncologues qui se sont occupés d’Emilie durant sa maladie. J’attends toujours leurs condoléances. Je compte aussi mes enfants. J’aimerais en compter quatre, mais trois seulement répondent à mon appel. Depuis qu’Emilie nous a quittés, je suis bien le seul à trouver que sa petite soeur lui ressemble trait pour trait, mais j’ai bien conscience que ma tête me joue un si joli tour. Comme cité plus haut dans le texte, je me demande où est ma fille, et sans doute que mon sympathique cerveau, meilleur témoin de ma tristesse quotidienne, une nouvelle fois me trompe, et me laisse à penser que c’est ce joli rouge-gorge que j’ai croisé à vélo, ou encore que ce coucher de soleil ne m’était destiné qu’à moi, uniquement…..
Le papa d’un enfant mort, c’est tout cassé de l’intérieur. Et quelle difficulté de l’exprimer. A l’oral comme à l’écrit, la difficulté est identique. Il y a plusieurs années, j’avais compris par une expérience vécue qu’on ne pouvait comprendre une situation qu’en l’ayant vécue. Ma difficulté est de ne pas pouvoir expliquer, voire même m’expliquer ce que je vis désormais. Bien que très heureux dans mon quotidien, sans même forcer le trait, c’est une sorte d’infinie et indéfinissable tristesse qui m’habite chaque jour, chaque instant. Tellement paradoxale que cette sensation. A la fois vivant et à la fois mort. Ah oui, le papa d’un enfant mort n’a plus peur de mourir, tellement heureux de retrouver un jour prochain son enfant.
Plus d’une année s’est écoulée depuis le départ de la jolie Emilie, et pourtant, des fois, et assez fréquemment quand même, c’est une sensation psychologique ou intellectuelle tellement étrange qui me saisi, mon cerveau me rappelle en une fraction de seconde qu’Emilie est morte. C’est d’une violence tellement immense et tellement subite. La sensation ressentie à chaque fois est la même que si on m’apprenait, sans le moindre ménagement, que mon enfant était mort. Et que dire de tout ce qui me ramène à Emilie chaque jour… quelle difficulté de vivre avec “çà”.
Pour conclure (roulements de tambours…) le papa d’une enfant mort n’a plus qu’une seule crainte : perdre un autre enfant. Quand on est parent, jamais on ne s’attend à perdre un enfant, c’est bien connu. Alors imaginez bien que jamais on ne s’attendrait à en perdre encore un autre…
Je t’aime Emilie de ma vie, de mon coeur, de la Terre à la Lune multiplié par la physique quantique…
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